PROLOGUE

 

— Derrière la robe, qui sait qui se cache vraiment ? murmura Charles Caïus en refermant la porte.

Son regard flottait au-dessus de l’épaule de l’abbé Castel qui secouait la tête. Il baissa les yeux en serrant son crucifix.

— Tout n’est pas une comédie, Charles.

Un rictus étira les lèvres de Caïus. Il s’avança en silence jusqu’à la salle à manger. Il balaya la pièce de la main : 

— Regarde-moi ça. N’est-ce pas une farce ? Je trouve qu’ils jouent tous leur rôle à la perfection.

Puis il ajouta à voix basse :

—Jouons encore un acte ce soir.

Castel détourna les yeux.

Ils rejoignirent les convives. 

Caïus les observa un long moment. Tous étaient déjà attablés.

— Les baies vitrées pourraient apporter davantage de lumière, disait Gaudissard à Margot. Dommage que le savonnier empêche la lumière d’entrer dans le salon. Il faudrait l’abattre.

— Charles est viscéralement attaché à cet arbre, avoua Margot.

— Personne ne touche à ma cour, lâcha Caïus en se dirigeant vers le bout de la table.

Puis, il porta son verre à ses lèvres, but une gorgée, et le reposa. Il essuya la commissure de ses lèvres.

— Il est temps qu’Héloïse reçoive une éducation digne de ce nom.

Margot toussota, sa fourchette suspendue en l’air. Elle agrippa la nappe de sa main gauche.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’étrangla-t-elle.

Sans même la regarder, Caïus répliqua.

— Le couvent est un lieu tout indiqué pour elle. Cela évitera qu’elle termine comme …

— Père ! le coupa Eudes. Je vous en prie. Vous allez réveiller la petite.

Caïus leva les yeux au plafond et murmura :

—Une enfant ne devrait pas tant ressembler à ses fantômes. 

Margot sursauta, manquant de renverser son verre.

— Je ne te laisserai pas faire.

Caïus ricana. Son regard glissa de son fils et sa femme.

— Je veux lui offrir un avenir loin d’ici. Loin de… certaines influences.

Margot blêmit. Le cristal tinta lorsqu’elle posa son verre.

— Elle n’a que cinq ans.

— C’est l’âge où l’on forge les âmes.

Il marqua une pause.

— Ce serait dommage qu’elle devienne comme toi, n’est-ce pas ?

Margot se leva, renversa son assiette. Elle attrapa son verre et lança le contenu en direction de Caïus.

— Tu es odieux, sanglota-t-elle.

Caïus s’essuya le visage sans se départir de son sourire.

— Ce n’est pas pour Héloïse que tu fais ça, lança Eudes.

— Pour qui d’autre ?

— Elle te rappelle qui tu es vraiment.

Caïus se renfrogna. Le verre de cristal lui échappa des mains, se fracassant sur le parquet. Un éclat noir traversa son regard. 

— Tu n’es qu’une merde dans un bas de soie.

Eudes tapait des doigts sur son assiette.

— Même tes insultes, tu es incapable de les trouver seul.

Le silence s’abattit dans la salle à manger. Gaudissard posa une main sur celle de Margot. Castel lâcha un soupir puis se signa.

L’horloge égrenait huit coups. Le rire rauque de Caïus jaillit.

— Enfin, mes amis, ne nous échauffons pas. Nous sommes réunis pour un moment de convivialité. Profitons de ces instants ensemble au lieu de nous déchirer. 

Margot se leva, s’avança vers Caïus. Elle leva la main, prête à le frapper. Il intercepta son poignet et le serra. Margot retint un cri et se dégagea.

Elle s’écria alors :

— Je ne te laisserai pas faire !

Elle quitta la pièce et claqua la porte.

Eudes bondit de sa chaise. Castel arrêta son geste.

— Pas maintenant.

Jusqu’alors silencieuse, Hélène fixait son fils. Elle termina son vin, mâcha une bouchée de pommes de terre. Puis, elle se leva et traversa la pièce. Sur le seuil, elle tourna à peine la tête :

— Plutôt que de la voir partir, je préfère te voir mort.

 

 

 

 

 


 

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